

Notre recours au Conseil d'Etât
a été rejeté sur le plan du Droit
Nous avions déposé en avril 2020 un recours auprès du Conseil d’Etat en précisant l’incohérence et l’anti-constitutionnalité de la position du ministère des Armées entre l’article premier de la loi de la mention « mort pour le service de la Nation » qui reconnaissait son attribution à des « militaires tués en service » et son inflexion de refuser cette mention à nos « Oubliés de la Nation » en se basant sur le texte du décret de 2016 qui précisait que cette mention ne pouvait qu’être attribuée à des militaires « tués par un tiers volontaire » ou dans des « circonstances exceptionnelles ».
Nous demandions au Conseil d’Etat la confirmation qu’un décret ne pouvait pas être supérieur à un article de loi.
Pour éviter de se voir censuré par le Conseil d'Etat, le pouvoir exécutif a présenté en toute discrétion sur la proposition de loi sur « la consolidation de notre modèle de sécurité civile et valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » qui a été validée le 25 novembre 2021 et promulguée le 22 avril 2022, un article de loi de type « cavalier législatif* » qui a annulé et remplacé l’article premier de la loi initiale de la mention « Mort pour le Service de la Nation » « tué en service » par un « tué par un tiers volontaire ».
* Un cavalier législatif est un article de loi qui introduit des dispositions qui n'ont rien à voir avec le sujet traité par le projet de loi ».
En raison de la modification législative intervenue, le Conseil d'Etat n’avait plus à trancher sur un état de droit qui a été législativement transformé.
Mais, le délibéré consacre implicitement mais nécessairement les victoires que nous avons obtenues par notre combat directement auprès du pouvoir politique par la création d’une nouvelle reconnaissance, celle de « Mort pour le service de la République ».
Notre combat
Nous sommes un collectif de familles de militaires décédés accidentellement en exercice commandé à l’entraînement, en exercice opérationnel et en mission intérieure sur le territoire national ou à l’étranger hors Opex.
Nous ne présentons pas ce combat au nom de toutes les familles endeuillées, même si certaines nous soutiennent, mais au nom de l’équité entre les serviteurs de la Nation, de la justice et de l’action mémorielle.
À ce jour nos enfants sont considérés comme « Mort en service ».
Ils n’ont pas été reconnus avec la mention « Mort pour le service de la Nation » en conséquence leurs enfants ne sont pas des « Pupilles de la nation », leur conjoint ne bénéficiera pas de certains droits.
Pourquoi le fait de mourir accidentellement en service commandé en tant que soldat déployé sur le territoire national ou à l’étranger hors OPEX ne semble pas une condition suffisamment digne pour obtenir cette mention.
Il n’est pas juste d’accepter que la reconnaissance du sacrifice ultime d’un militaire soit abandonnée à la générosité de nos politiques.
Pourquoi ces inégalités, ces différences de traitement et de reconnaissance …
Où se trouve l’EGALITE face à cette nouvelle INJUSTICE ? qui touche le cœur des familles…
Ils étaient des soldats de France
ils sont aujourd'hui "Les Oubliés de la Nation"
Liste non exhaustive de militaires décédés entre 2016 et 2021
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lieutenant-colonel Patrick VALLOT : Armée Air - 5 octobre 2016, coopération Défense - Vol entraînement ULM Conakry ;
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caporal-chef Stéphane VEDERE : Armée Air - 26 octobre 2016, décès accidentel en service ;
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brigadier-chef Hassib ABDD'ILLAH : Armée Terre - 19 mai 2016, accident véhicule blindé auto école en Moselle ;
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brigadier-chef 1e classe Kalidou WADE : Armée Terre - 26 septembre 2017, décédé à Douala (Cameroun) - 519e GTM ;
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caporal Odgerel BAT-ARGAMJ : Légion Etrangère -19 mai 2017, noyade lors exercice cohésion à Cumières ;
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légionnaire 1e classe Rodrigues LORENZO : Légion Etrangère - 19 mai 2017, noyade lors exercice cohésion à Cumières ;
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caporal-chef 1e classe Georges BURNS : Armée Terre - 30 août 2018, EALAT - mort en service ;
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lieutenant-colonel Vincent MANNESSIER : Armée Terre - 22 octobre 2018, malaise le 13 octobre entraînement physique ;
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adjudant Robert CHOMA : Légion Etrangère, 25 juillet 2018, décès en service ;
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maître principal Arnaud PEYRONY-RAPATOUT : Marine Nationale - 21 juillet 2018, accident circulation service Djibouti ;
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caporal-chef Steven LONATI-RUFFIN : Armée Terre - 9 mars 2019, accident circulation en mission ;
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caporal-chef Max BONNIOT : Armée Terre - 20 novembre 2019, GMHM - chute lors repérage voie Boningto ;
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capitaine François SANGIOVANNI : Armée Terre - 15 février 2020, malaise lors entrainement boxe en service ;
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Maître Jean-Claude MICHAU : Sécurité civile - 28 octobre 2020, BMPM - Décès en service commandé.

Le rappel de notre combat
Nous sommes un collectif de familles de militaires décédés accidentellement en exercice commandé à l’entraînement, en exercice opérationnel et en mission intérieure sur le territoire national ou à l’étranger hors Opex.
Nous ne présentons pas ce combat au nom de toutes les familles endeuillées, même si certaines nous soutiennent, mais au nom de l’équité entre les serviteurs de la Nation, de la justice et de l’action mémorielle.
À ce jour nos enfants sont considérés comme « Mort en service ».
Ils n’ont pas été reconnus avec la mention « Mort pour le service de la Nation » en conséquence leurs enfants ne sont pas des « Pupilles de la nation », leur conjoint ne bénéficie pas de certains droits et leur nom ne sera pas inscrit sur le monument aux morts de leur commune.
Pourquoi le fait de mourir accidentellement en service commandé en tant que soldat déployé sur le territoire national ou à l’étranger hors OPEX ne semble pas une condition suffisamment digne pour obtenir cette mention.
Il n’est pas juste d’accepter que la reconnaissance du sacrifice ultime d’un militaire soit abandonnée à la générosité de nos politiques.
Pourquoi ces inégalités, ces différences de traitement et de reconnaissance …
Où se trouve l’EGALITE face à cette nouvelle INJUSTICE ? qui touche le cœur des familles…
La mention « Mort pour le service de la Nation »
Les textes de la mention « Mort au service de la nation » précise que cette dernière est attribuée à chaque militaire qui décède lors de l’accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles.
Cette définition étant floue, la décision reste discrétionnaire à chaque ministre en exercice.
Les orphelins sont considérés comme « Pupilles de la Nation », leur conjoint perçoit 100 % de la pension de réversion, des aides financières sont versées aux ayants droits et leur nom est gravé sur le monument aux Morts de leur commune.
Les militaires sont honorés par l’attribution de la Légion d’Honneur (officiers et sous-officiers).

1. La mention « Mort pour le service de la nation » ?
Cette loi est née en 2012 d’un projet gouvernemental qui a répondu à un vide juridique, celui d’apporter une reconnaissance de la Nation à ses serviteurs décédés de mort violente en service sur le territoire national ou à l’étranger hors d’une OPEX. Son article premier précise que cette mention doit être accordée « à tout militaire tué en service, mais aussi à tout agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité » (plus de détails).
La définition du mot « tué » par « LE LAROUSSE » précise qu’une personne tuée est décédée de mort violente.
Cette loi s’est inspirée des droits de la mention « Mort pour la France » réservée pour les décès en OPEX et ceux de « la Citation à l’Ordre de la Nation » réservée aux policiers, pompiers et civils.
Cette loi a répondu aussi à l’évolution des dangers liés à la situation sécuritaire et terroriste de notre pays et aux risques des militaires liés aux missions de préparation à la guerre et les missions intérieures.
Cette loi est le garant de la reconnaissance de la Nation pour tous les militaires qui décèdent en service commandé sur le territoire national (entraînement, exercice opérationnel, OPINT, SENTINELLE) ou à l’étranger hors d’une OPEX comme la mention « Mort pour la France » l’est pour les militaires qui décèdent devant l’ennemi ou accidentellement hors combat sur le théâtre opérationnel extérieur ;
Cette loi a apporté les règles suivantes :
○ une remise à titre posthume de la Légion d’honneur par le Président de la République ;
○ une pension de réversion de 100 % pour le conjoint et d’autres droits suivant le code des pensions militaires ;
○ l’attribution du statut des Pupilles de la Nation aux Orphelins (plus de détails) ;
○ l’inscription de leur nom sur un monument de leur commune ;
○ la rétroactivité de cette mention à tous les décès survenus après le 1er janvier 2002 ;

2. Combien de mentions « Mort pour le service de la Nation »
ont été attribuées pour la période 2002-2021 ?
(détails liste www.memoiresdeshommes.fr)
● Total : 64
○ dont 46 décès par un tir volontaire
○ dont 18 décès accidentel
● Militaires des trois armées : 135 décès en mission entre 2002 et 2021 dont 25 MPSN
○ 07 par un tir volontaire
○ 18 par accident
○ 110 ne bénéficient d’aucune reconnaissance, soit 81%
● Gendarmerie Nationale : 131 décès en mission entre 2002 et 2021
○ dont 24 MPSN (ces gendarmes ont reçus également la citation à l’ordre de la Nation)
○ 101 ne bénéficient d’aucune reconnaissance, soit 77%
● Police nationale : 87 décès en mission entre 2002 et 2021
○ dont 15 MPSN (ces policiers ont reçus également la citation à l’ordre de la Nation)
○ 57 policiers ont été reconnus avec la citation à l’ordre de la Nation
○ 15 ne bénéficient d’aucune reconnaissance, soit 17%

3. Le tournant de la modernisation
initiée par Jean-Yves Le DRIAN en 2012
En mai 2012, lorsque Jean-Yves Le DRIAN devient ministre de la Défense, il veut marquer le coup pour les trois militaires assassinés par Mohamed MERAH à Toulouse et Montauban en mars 2012 : il est avéré que le djihadiste les a ciblés parce qu’ils étaient des militaires. Le ministre introduit dans le projet de loi relatif à « la sécurité et à la lutte contre le terrorisme » une nouvelle mention de reconnaissance : « Mort pour le service de la Nation ».
Promulgué le 21 décembre 2012, le texte stipule que ce dispositif s’adresse au « militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire » ou à « un autre agent de la fonction publique tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité ».
Son effet est rétroactif au 1er janvier 2002. C’est une demande de la Chancellerie, qui souhaite que les victimes de l’attentat de Karachi (8 mai 2002) puissent en bénéficier. Plusieurs élus l’appuient, à commencer par le député (LR) du Nord Gérald DARMANIN, actuel ministre de l’Intérieur, qui a plaidé la cause d’Antoine de LEOCOUR et de Vincent DELORY, originaires de sa circonscription, enlevés au Niger par les terroristes d’AQMI et tués au Mali le 8 janvier 2011, lors de l’intervention des forces spéciales françaises.
L’impact de cette mention est quasiment identique à l’attribution du « Mort pour la France ».
Manuel VALLS le Premier ministre, la défend en ces termes à l’Assemblée nationale : « La mention « Mort pour le service de la Nation » doit permettre de témoigner de l’hommage national rendu aux agents publics comme aux autres citoyens qui ont fait le choix de s’engager au service de la collectivité et en ont payé le prix de leur vie. Les militaires victimes de Mohamed MERAH, comme, il y a dix ans maintenant, les ouvriers d’État décédés dans l’attentat de Karachi, ou encore plus récemment les agents publics, militaires ou civils, tués en Guyane dans le cadre de l’opération de lutte contre l’orpaillage clandestin pourront ainsi en bénéficier (…). Le geste que nous vous demandons de faire (…) permettra de régler, bien évidemment, toute une série de problèmes, mais surtout de montrer la reconnaissance de la nation à l’égard de ces victimes et de leurs familles ».
Très rapidement, dans la pratique, Jean-Yves le DRIAN confirme que la nouvelle mention n’est pas uniquement réservée aux décès liés au terrorisme. Il l’attribue à plusieurs reprises à des militaires décédés dans des circonstances accidentelles dramatiques. En témoignent ces 15 cas (détails) :
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le capitaine Jean-Michel THOMAS (du 1er régiment de spahis), décédé le 29 juin 2011 au Sénégal dans un accident de la route ; un camion civil a percuté le minibus dans lequel il avait pris place avec d’autres militaires français ;
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les caporaux-chefs Nacim AMEUR et Ronald DANGER, le sergent-chef Pascal SIMON (du 92e régiment d'infanterie), décédés le 18 janvier 2013 d’un accident de la route à bord d’un camion militaire dans le Massif Central
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le lieutenant-colonel Mathieu BIGAND, le commandant Gildas TISON, les capitaines Marjorie KOCHER et Arnaud POIGNANT, les adjudants-chefs Thierry GALOUX et François COMBOURIEU, l'adjudant Gilles MEYER, les sergents-chefs Régis LEFEUVRE et Nicolas DHEZ, de l’armée de l’Air, tués le 26 janvier 2015 dans le crash du chasseur F16 grec sur la base aérienne d’Albacete, en Espagne, lors d’un exercice de l’Otan ;
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le caporal Toure Luc LAMARANA (du 2e régiment étranger de génie), décédé le 18 janvier 2016 dans une avalanche lors d'un entraînement en montagne ;
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le soldat Emile Moana AVAE (du 6e régiment de génie), tué le 06 juin 2016 par la chute d'un arbre lors d’une mission en Guyane française.
D’ailleurs, cette extension de la reconnaissance aux cas accidentels est tout sauf surprenante. Elle fait écho à l’évolution déjà constatée au ministère de l’Intérieur. Cela fait plusieurs années que la plupart des policiers morts à l’entraînement bénéficient d’une « Citation à l'ordre de la Nation » ; pour tempérer ce constat, il est aussi vrai et assez surprenant que le régime des gendarmes, qui sont des militaires, demeure plus restrictif.
La « Citation à l’ordre de la Nation » a été créée en 1917 par le président Raymond Poincaré pour récompenser « les services ou actes de dévouements exceptionnels accomplis pour la France au péril de sa vie, à titre civil ou militaire ».
Elle ouvre droit aux mêmes dispositions que le « Mort pour la France » à l’exception de l’inscription des noms sur le monument aux morts de chaque commune.
La loi de 2012 conforte doublement cette tendance extensive de la reconnaissance. Outre la création de la mention « Mort pour le Service de la Nation », elle instaure la mention de « Victime du terrorisme » pour les personnes décédées dans un attentat et prévoit que leurs enfants héritent du statut de Pupille de la Nation. Son attribution relève de la Chancellerie.

4. Le décret de 2016 qui jette la confusion
Pourtant, en 2016, le ministère de la Défense fait machine arrière.
Le décret n°2016-331 introduit deux critères supplémentaires aux conditions d’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation » créée en 2012. Le décès devra être intervenu : « Des suites de l’acte volontaire d’un tiers » ou « Du fait de l’accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles ».
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L’administration aurait-elle eu peur d’avoir ouvert la « boîte de Pandore » et d’être submergée de demandes d’opportunités qui dévaloriseraient l’esprit de cette reconnaissance de la Nation ?
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L’administration aurait-elle eu peur que la facture budgétaire explose du fait d'une multiplication des demandes rétroactives ?
De 2010 à 2019, selon les chiffres du rapport annuel 2020 du Haut comité de l’évaluation de la condition militaire (HCECM), 135 militaires sont décédés en Opex, mais 263 décès ont été enregistrés des suites d’un accident en service (service commandé, mais aussi ceux qui surviennent dans la vie courante d’un régiment hors missions).
Quoi qu’il en soit, ce décret pose problème, car il jette la confusion.
Sur la forme. Il ne vient pas compléter la loi, comme cela est prévu par les règles du droit, mais il la restreint avec deux critères nouveaux.
Sur le fond. On peut lui faire deux reproches :
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D’une part, le premier article s’oppose à l’article premier de la loi.
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D’autre part, en introduisant la notion floue des « circonstances exceptionnelles » sans la définir, il laisse le champ libre aux interprétations de l’administration, lui conférant de facto un véritable pouvoir discrétionnaire.

5. les incompréhensions nées de cette confusion
Avec l’application de ce nouveau décret, le ministère a décidé de refuser systématiquement la reconnaissance des militaires qui décèdent en service commandé sur le territoire national ou à l’étranger hors d’une Opex en s’appuyant sur sa propre définition de ces fameuses « circonstances exceptionnelles ».
« concernant les circonstances exceptionnelles, elles s'apprécient par les juges comme des situations présentant les caractères suivants : gravité particulière ou anormalité (guerres, émeutes, cataclysmes naturels), imprévisibilité, irrésistibilité, tant dans leur survenance que dans leurs effets insurmontables qui s'assimilent à des cas de force majeure."
Les décisions suscitent des incompréhensions, des iniquités et des injustices entre cette volonté et les attributions antérieures décernées par le gouvernement précédent et initiateur de la loi, en effet :
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est-il normal de ne pas reconnaître les 19 militaires décédés en service commandé dans le cadre d’un accident de montagne (avalanche, pont de neige, chute, hypothermie), alors que le Caporal Toure Luc Lamarana de l’Armée de Terre (2e REG) tué dans une avalanche (2016) a été reconnu « Mort pour le service de la Nation » (nous précisons que les 5 autres légionnaires décédés dans la même avalanche n’ont pas été reconnus, alors que les policiers décédés à l’entraînement en montagne (les brigadiers Chef Eric Fauvet (2009), Christophe Mosert (2010) et Nicolas REVELLO (2019) ont été reconnus avec la « Citation à l’ordre de la Nation »et leurs enfants avec le statut de « pupille de la Nation » ? ;
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est-il normal de ne pas reconnaître les 4 militaires décédés en service commandé dans un territoire hors Opex, alors que le lieutenant Jean Michel THOMAS (2011), tué en mission dans un dramatique accident de la circulation au Sénégal a été reconnu « Mort pour le service de la Nation » ? ;
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est-il normal de ne pas reconnaître les 6 militaires décédés accidentellement en service commandé sur le territoire national, alors que Nacim AMEUR, Ronald DANGER, Pascal SIMON (92e RI) décédés en 2013 lors d’un accident de transport à bord de leur camion militaire ont été reconnus « Mort pour le service de la Nation » ? ;
d’autres militaires n’ont pas été reconnus entre 2002 et 2021… (liste)
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L’évolution des réponses du ministère nous laissent pantois, nous sommes passés de l’omission de ces fameuses circonstances au refus de la reconnaissance des exercices opérationnels, et depuis peu à une définition fallacieuse qui n'a que pour but d'apporter une réponse formatée en niant l'esprit initial de la loi (détails sur la définition du ministère sur les circonstances exceptionnelles).

6. L’histoire de Jean-Pierre Woignier,
le fondateur et président des Oubliés de la Nation
Le 2 août 2017, au camp militaire de Caylus (Tarn-et-Garonne), le véhicule de l’avant blindé (VAB) dans lequel a pris position, son fils, l’adjudant François Woignier, roule à vive allure. Chef d’une section de combat du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa), le sous-officier et ses hommes participent à un exercice conçu et mené au plus près des conditions qu’ils rencontreront au Mali, où ils doivent être projetés à l’automne. Soudain, l’engin se retourne et c’est le drame : le buste de François dépassait du toit par la trappe ouverte.
En mourant, le sous-officier de 37 ans, major de l’École nationale des sous-officiers d’active, qui cumulait 13 opérations extérieures, laisse derrière lui un fils, Owen, 6 ans à l’époque, et une épouse, Olivia.
Jean-Pierre WOIGNIER prend alors en main les formalités du décès en liaison avec le chef de corps du régiment, qui sollicite pour le sous-officier l’attribution de la mention posthume : « Mort pour le service de la Nation ».
Mais l’administration estime que François WOIGNIER est simplement « mort en service », et se contente de l’élever au grade d’adjudant-chef.
Décision incompréhensible et injuste, juge aussitôt ce père, pour qui son fils militaire a perdu la vie parce qu’il a accepté de prendre des risques et de repousser les limites, afin de pouvoir remplir au mieux sa mission au service de la sécurité et la défense collective des Français.
Ne se résolvant pas aux conséquences de cette décision pour son petit-fils et sa maman, il dénonce le « fait du prince » et l’incohérence des règles de la « reconnaissance ».
Après avoir essuyé plusieurs fins de non-recevoir de l’administration, il lance des recherches, découvre d’autres « cas », les fédère et impulse la création de l’association Les Oubliés de la Nation ainsi que la médiatisation de son combat.

7. Le constat que nous avons formulé :
D’après nos recherches, entre 2002 et 2021, ce sont plus de 100 militaires dépendant du Ministère des Armées dont le décès est survenu accidentellement sous l’uniforme (hélicoptère, avion, VAB, accident de montagne…) lors d’une mission ordonnée par la hiérarchie militaire (entraînement, exercice de préparation opérationnelle, mission intérieure) sur le territoire national ou en mission à l’étranger (excepté les opérations extérieures) qui n’ont pas eu l’honneur d’être déclarés « Mort pour le service de la Nation » .
Pourtant, ces militaires sont morts en « service commandé », ils ont été simplement reconnus au même titre que ceux qui décèdent dans la vie courante des régiments (accidents de trajets, hors missions) avec l’appellation « Mort en service ».
Par conséquence, ces 100 soldats de France n’auront jamais leurs noms inscrits sur un monument de leur commune. Leurs enfants ne seront jamais reconnus pupilles de la Nation. Leurs conjoints ne jouiront jamais d’une pension de réversion au taux plein. Ils sont « Les Oubliés de la Nation ».
En août 2021, dans les trois armées, seuls 25 militaires ont eu droit à cette mention durant cette période. Pour 7 d’entre eux, le décès était consécutif à l’action « d’un tiers volontaire » ; en l’occurrence : un tir. Pour les autres, l’administration a soit appliqué l’article premier de la loi de 2012 ou la reconnaissance des « circonstances exceptionnelles » du décret de 2016.
Force est donc de souligner que mourir accidentellement en service commandé sur le territoire national en tant que militaire, ne semble pas encore une condition suffisamment claire et digne pour se voir attribuer cette mention.

8. Comment est né le combat des « Oubliés de la Nation »
Plusieurs familles dont le nom des enfants figure dans la liste des 100 se sont aperçues qu’elles partageaient ces constats et ces interrogations.
Se retrouvant démunies face à l’administration, elles se sont regroupées en mars 2020 pour fonder l’association « Les Oubliés de la Nation ».
L’association poursuit deux objectifs majeurs : réparer ces injustices individuelles et initier un débat national sur la clarification des conditions de la reconnaissance du sacrifice suprême des militaires et des réparations consenties à leurs proches.
Pour se faire entendre et parvenir à leurs fins, elles ont investi les champs administratifs, législatifs, judiciaires, mémoriels et médiatiques.
À leurs yeux, ce combat est d’abord une question de fierté et d’honneur.
Elles veulent que l’Etat reconnaisse le sens de la mort de leurs enfants, ce sens est le motif de leur joie et de leur consolation. C’est ensuite une question de principe.
Elles estiment que la Nation est redevable à ses enfants courageux « Quoi qu’il en coûte ».
Dans le cas présent, la centaine de reconnaissances en jeu ne sauraient pas mettre en péril les comptes publics.

9. Les questions que nous nous sommes posées